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Les enchaînés – Thomas Morel

Résumé : Thomas Morel, journaliste, troque ses lunettes pour une monture plus discrète (c’est une vraie phrase du livre) et part se faire la tournée des jobs alimentaires du Ch’Nord. Alors il commence à faire le saisonnier dans une usine qui emballe des chocolats pour le rush de Noël. Il enchaîne chez Clictel, le centre d’appels de la famille Mulliez, puis fait un peu le VRP pour vendre des contrats GDF. Il va ensuite faire un tour dans un centre d’appels qui gère le recouvrement de crédits rachetés et il se termine chez Toyota, pour tâter de la productivité à la japonaise.

Tout d’abord, je remercie Antoine M. de m’avoir prêté ce livre! Bon, il faut que je vous raconte quand même que là, je suis en overdose d’actualité et de politique. La réforme des retraites coûte que coûte, l’orgie d’images de violences policières et la circulaire Castaner qui va complètement biaiser la médiatisation du résultat des élections municipales m’ont complètement découragée. Je le vivais vachement mal, mais grâce à Victor Ferry, je vais mieux. C’est ma dernière incartade sur le sujet avant quelques vacances de mes réflexions politiques. Et dans le genre contexte culturel, le dernier ouvrage que j’ai lu, c’était En France de Florence Aubenas. J’avais passionnément détesté. Je partais donc avec les pires a priori du monde. La suite va vous étonner.

Genre :  témoignage, documentaire , essai, littérature française
Auteur : Thomas Morel
Année :  2017
Nombre de pages : 272

Ce que j’ai aimé : L’auteur décrit assez bien les conditions de travail, les corps et les esprits usés, l’aliénation du travail. Je parle bien du travail en général, je pense qu’à un certain moment, n’importe quel job devient aliénant. Mais Thomas est encore jeune, il a la chance d’avoir pu choisir un métier qui le passionne et n’a pas encore 30 ans de petits coups bas sur le dos. Le mec, on sent qu’il y croit encore un peu. Il aborde avec ses collègues l’expérience du revenu universel quand il rechausse ses lunettes à monture un peu voyante.

Ce que j’ai moins aimé : Je me suis demandé à qui s’adressait ce type d’ouvrages. Qui sont ces lecteurs? Des gens qui partagent ce type d’expériences professionnelles? Des gens qui veulent découvrir la France d’en bas autrement que par les émissions Strip-tease et Confessions intimes? La France veut savoir! Ce qui m’a manqué dans le livre, c’est un peu de la fierté ouvrière. Parce que dans tous les corps de métier, il y a des gens qui aiment ce qu’ils font, il y a des savoir-faire partout, et surtout pas de petits métiers. Comme les grosses boîtes pour lesquelles il a bossé, il a dilué les personnalités rencontrées dans sa grande machine à lui, plus pressé à remplir son petit Moleskine aux pauses chiottes qu’à vraiment rencontrer. Ce qui manque aussi dans ce livre, c’est autre chose que des stéréotypes, tout comme chez Aubenas. Le prolo serait extrémiste, soit avec ses petites remarques racistes, soit à la CGT. Il serait aussi vulgos, toujours prompt à la blague de cul ou à mater le foot. C’est aussi une balance carriériste ou une personne à plaindre. Pourtant, du savoir et de la culture populaires, il y en a en pagaille, surtout du côté de Youtube, je peux t’aider à changer ton algorithme si tu veux. Bref, je ne sais pas trop comment accueillir ce témoignage. Malgré ma colère ressentie, qui est toute personnelle, j’ai envie de croire qu’il s’agit d’un récit manqué par naïveté : ça ne peut être que ça. Au fait! Une grève et une manifestation sont deux choses différentes (clin d’oeil appuyé).

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Voilà, deux semaines après avoir quitté l’usine, j’ai un nouveau boulot ! J’en ressens un enthousiasme que, plus tard, je trouverai stupide.

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La Petite fille sur la Banquise – Adélaïde Bon

Genre :  témoignage, autobiographie
Auteur : Adélaïde Bon
Année :  2010
Nombre de pages : 256

Résumé : Elle a neuf ans, elle a réussi à négocier avec ses parents d’aller acheter des paillettes de nourriture pour le poisson. Elle en a profité pour s’acheter trois carambars. Au retour, l’homme lui parle et lui fait l’indicible. Elle se souvient de peu de choses, mais ce peu va longtemps la hanter. Son cerveau a enfoui une partie de ce qu’il s’est passé, mais le passé revient toujours sous forme de méduses qui cherchent à l’attaquer sans arrêt. C’est un long combat pour appartenir à ce moment, tout en étant ailleurs.

Ce que j’ai aimé : C’est un livre très bien écrit, par quelqu’un qui a pu verbaliser beaucoup de choses. Et les mots, ça permet bien souvent d’extérioriser. Son témoignage est important. On connaît tous les statistiques des violences, mais l’estimation des statistiques de gens qui n’en parlent pas est effarante. Ce livre peut être une aide : une blessure, même comme celle-ci, peut guérir. Dans son malheur, on ne peut pas dire qu’Adélaïde a eu de la chance, mais certains facteurs extérieurs l’ont aidée : « J’étais une petite fille blanche d’un quartier cossu, je serai crue, je ne serai ni poursuivie pour dénonciation calomnieuse ni jugée pour ce que je portais ce jour-là. Giovanni Costa est un malfaiteur immigré, il n’est ni chef de famille ni notable, il n’aura pas de pairs pour le protéger, il sera certainement condamné. »
C’est un petit nombre de pages, ça se lit vite. Mais on est dans l’émotion permanente, on voudrait prendre toutes les Adélaïdes, la petite, l’ado, l’adulte, la mère dans nos bras, lui offrir un peu d’amour.

Ce que j’ai moins aimé : Difficile de parler d’appréciation, on ne juge pas la vie d’une personne. L’histoire est difficile à lire, parce que c’est de la vraie violence qui souille l’enfance, le truc le plus sacré de notre société. Alors si t’as envie d’un moment de détente, passe ton chemin. C’est de la violence brute, pas de la violence glamourisée pour distraire nos fins de journées. Ensuite, stylistiquement parlant, la narratrice alterne entre le « Je » et « Elle », c’est absolument déroutant. On sent bien qu’elle essaie de nous mettre dans une ambiance de distanciation, mais parfois, on s’y perd un peu.

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